Que dire de l’impuissance de la
communauté internationale ?
– La communauté internationale
a toujours été d’une indulgence
coupable – pour ne pas parler
de complicité – à l’égard de
l’Etat d’Israël. Aujourd’hui rien
ne change. Le silence du président
élu, M. Obama, est assourdissant.
Il est plus facile de taper
sur les mollahs iraniens que sur
les élus israéliens ! Quand il n’y
a pas de volonté, il ne peut y
avoir de chemin... si vous reprenez
l’histoire, il n’a jamais été
possible de mettre fin aux subventions
de l’Union européenne
quand le Fatah les dilapidait ouvertement...
Mais quand le Hamas
a gagné légitimement, « free
and fair », les élections législatives
de janvier 2006, il a suffi
d’une seule minute pour faire
cesser l’aide européenne.
Pourra-t-on trouver une issue à
la crise sans parler avec le Hamas,
ce que refuse mordicus Tel-Aviv ?
– C’est stupide. Il faut parler
avec le Hamas qui a fait infiniment
moins de morts que George
Bush... et que tous les mollahs
réunis. Le Hamas a été élu démocratiquement
à l’issue d’élections
voulues par les Etats-Unis
et l’UE.
Certains nient l’importance de
la crise humanitaire à Gaza ?
– Contrairement à l’Onu qui dénonce
haut et fort cette crise gravissime,
Bernard Kouchner est
aujourd’hui totalement muet.
Qu’il me pardonne, mais il ressemble
de plus en plus à sa marionnette
des Guignols de l’info !
Il suit docilement la politique de
M. Sarkozy dont on connaît les
préférences.... Le droit d’ingérence
humanitaire devrait s’appliquer
ici en priorité.
Existe-t-il des risques d’extension
régionale du conflit ?
– La Syrie et l’Iran sont de plus
en plus souvent mis en cause,
C’est trop facile. Le Hamas joue
sa partition dans le silence et
l’inertie de la Communauté internationale.
Le Hamas a rempli
un vide dont la nature a horreur.
Alors l’Iran et la Syrie jouent
aussi leur carte, or nous sommes
les premiers responsables de la
situation... Jacques Chirac a laissé
son ‘ami’ Yasser Arafat être à
la Mukata le plus illustre des
prisonniers politiques contemporains.
Ensuite Nicolas Sarkozy
et l’UE ont laissé les choses se
dégrader de plus en plus, idem
pour la Russie très occupée en
Tchétchénie. J’ajoute que l’Iran
est assez discret en moment...
Quant aux marchands d’armes,
ils ont de beaux jours devant
eux ! En Egypte, le régime de M.
Moubarak perd chaque jour de
sa crédibilité... Dans ce contexte
je le trouve malgré tout assez courageux...
Il a en effet fort à faire
avec son opposition islamiste, les
Frères musulmans... Il marche sur
la corde raide ! Les monarchies
du Golfe qui, elles, ont l’avantage
de ne pas avoir de « rue », ne
font guère mieux et ce n’est pas
brillant !
M. Obama se réserve de parler
après sa prise de fonctions le 20
janvier. Cependant tout laisse
supposer qu’il n’y aura pas de
remise en cause d’un soutien inconditionnel
à l’Etat hébreu ?
– Si Obama attaque son mandat
avec ce conflit il perdra toute
chance de redresser la situation
économique intérieure des E-U
où il doit d’abord s’occuper de la
relance et de la pauvreté. Ce n’est
peut-être pas très brave, mais ce
sera une attitude logique car il
n’est pas le sauveur de l’humanité,
contrairement à un certain
président omniprésent.
Même si cela me gêne, je trouve
qu’il a raison. Nous attendons
du nouveau président américain
qu’il fasse des miracles, c’est irréaliste,
il n’est pas Dieu le Père !
Mais l’un des buts de l’offensive
n’est-il pas de forcer la main à
la nouvelle administration américaine
sur sa politique proche-orientale
et sa volonté affichée
de l’ouverture d’un dialogue
avec Téhéran ?
– Personnellement je suis contre
l’isolement de l’Iran : on ne traite
pas avec ses amis ! Les Perses
sont un grand peuple et une grande
civilisation, Obama a raison de
vouloir engager le dialogue avec
Téhéran. Mon mari avait parlé
avec Arafat dans les années 1973
à une époque où personne ne
voulait entendre parler de lui. Il
y avait déjà là un refus mortel de
dialogue... On doit maintenant
cesser de traiter l’Iran comme
une ex-colonie sous-cultivée, ce
qu’elle n’a jamais été.
Et puis franchement le régime israélien
est loin d’être sans tache
et même si le président Ahmadinejad
a été verbalement excessif,
nous savons bien depuis Talleyrand
que ‘ce qui est excessif est
insignifiant’ !
Parlons avec l’Iran et reprenons
des activités commerciales avec
lui pour que les élections du 12
juin prochain permettent à un
modéré d’être élu... Au demeurant,
il n’y a de pire sourd que celui
qui ne veut pas entendre. Imaginons
un instant que les monarchies
du Golfe reprennent
leurs avoirs dans les banques des
pays qui abreuvent Israël d’armes ?
Et si elles refusaient d’acheter
des armes aux Etats-Unis jusqu’à
ce que l’on revienne à la
table de négociation, peut-être
ferions-nous un grand pas vers
la paix et le retour à la stabilité
au Proche-Orient ?
Propos recueillis par
Jean-Michel Vernochet