Le 7 avril 2010,
M. le président Axel Poniatowski. Nous avons grand plaisir à vous accueillir, Monsieur le ministre.
Le processus de paix au Proche-Orient paraît bloqué après l’annonce, pendant la visite de M. George Mitchell en Israël, de l’autorisation de construire 1 600 logements à Jérusalem-Est. Cela a entraîné l’interruption du processus de négociations indirectes avant même qu’il commence réellement. Selon vous, existe-t-il une chance que le parti Kadima, dont nous recevrons demain le numéro deux, M. Shaul Mofaz, intègre la coalition gouvernementale israélienne ? Compte tenu des bonnes relations que nous entretenons actuellement avec la Syrie, la France ne pourrait-elle pas jouer un rôle de médiateur entre Israël et ce pays ?
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. À propos du Moyen-Orient, je dirai que mon optimisme est très relatif, pour ne pas dire que je suis dominé par un sentiment de pessimisme… La France a émis à plusieurs reprises une position très claire au sujet de la construction de 1 600 logements à Jérusalem, en pleine visite du vice-président américain Joe Biden : cela constitue un obstacle à la reprise des pourparlers de paix. Je ne gloserai pas sur les hésitations et la faiblesse alléguées du président palestinien Mahmoud Abbas. La Ligue arabe lui avait demandé de reprendre les proximity talks – simples échanges indirects et non pourparlers de paix –, processus qui a été interrompu après cette annonce fâcheuse. M. Biden a réagi, Barack Obama a très clairement fait état de son désaccord, mais l’on peut s’interroger sur l’avenir des échanges entre Palestiniens et Israéliens.
Je suis d’autant plus pessimiste que les dernières manifestations rappellent les images des intifadas. Je ne souhaite pas du tout qu’une troisième intifada soit déclenchée mais force est de constater que l’effervescence et la colère montent. Or, les moyens de pression sont assez faibles, y compris du côté des États-Unis.
La situation dans le reste du Proche-Orient ne se détend pas non plus. Le renforcement de l’armement du Hezbollah libanais est très préoccupant et les réactions israéliennes potentielles n’arrangent rien. La France pourrait s’appuyer sur l’inquiétude libanaise pour contribuer au redémarrage des négociations entre la Syrie et Israël. Il faut tout faire pour y parvenir bien qu’un résultat favorable soit difficile à envisager pour l’instant. Les Syriens se disent certes prêts à redémarrer en tenant compte des négociations avec le gouvernement israélien précédent, que dirigeait Ehoud Olmert, mais les Israéliens n’en veulent pas pour le moment. Il faut persévérer : oui, nous ferons tous les efforts possibles, comme la Turquie, dont le premier ministre est en ce moment même en visite à Paris.